Tu perds ta grâce, ta folie,
Mon esprit perd son enjoûment ;
Du jour tu dors une partie,
Et moi je rêve tristement.
Hélas ! pour tous ceux qui vieillissent
Il est peu de jours, de momens
Où quelques plaisirs ne s’éclipsent !
Tu vois fuir bien loin les amans,
Et mes amis se refroidissent.
Mais laissons là les inconstans,
Contre eux ni plainte, ni satire ;
Ne les imitons pas, Zémire ;
Chéris-moi comme en ton printems.
L’amitié fait couler la vie,
Elle embellit tous nos instans ;
Et qui ne peut aimer s’ennuie,
Même à l’aurore de ses ans.
Tu ne peux parler : quel dommage !
Ton embarras me fait pitié :
De nos mots que n’as-tu l’usage !
Tout ce qui ressent l’amitié
Devroit avoir même langage.
Je serois heureuse avec toi,
Ma tendre et sincère Zémire,
Si tu t’exprimois comme moi :
Lorsque la confiance inspire,
On jase du soir au matin.
Étant du sexe féminin,
Il nous faudroit parfois médire ;
Nous ririons des pauvres humains,
Foibles, petits et toujours vains ;
Je t’instruirois de nos usages,
Quelquefois fous, quelquefois sages,
De nos travers, de nos erreurs.
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