Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/327

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Avec réserve l’on s’enflamme,
On juge même ce qui plaît ;
On sourit de l’injuste blâme
Dont naguère l’on s’indignoit.

Plaisirs, talens, riantes graces,
Vos voluptés sont déjà loin !
On veut encor suivre vos traces,
Mais on n’en sent plus le besoin.

Le dirai-je ? (ô pouvoir terrible
Du tems qui dévore en secret !)
On rougiroit d’être sensible,
Si la raison le défendoit.

L’ame, pour s’attendrir sans honte,
Consulte la réflexion ;
Et déjà, pour s’en rendre compte,
On sait braver l’émotion.

Ainsi, la froide expérience,
Analysant même le cœur,
Semble ajouter à la prudence
Ce qu’elle ravit au bonheur.

Ainsi, de sa vie on efface
Jusqu’aux chimères de l’espoir ;
Et l’on trouble l’instant qui passe,
Par l’instant que l’on veut prévoir.

Mais quoi ! l’homme doit-il se plaindre ?
La nature agit-elle en vain ?
Non, vers le but qu’il faut atteindre
Elle nous conduit par la main.