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CHEFS-D’ŒUVRE POÉTIQUES


Par le courroux du sort quand j’avais tout perdu,
En me donnant ma fille il m’avait tout rendu.
Je crus, dans le transport d’une si douce ivresse.
Pour la première fois connaître la tendresse ;
Et l’amour maternel s’enrichit dans mon cœur
D’un amour malheureux éteint par la douleur.
La vie à chaque instant me devenait plus chère,
En songeant qu’à ma fille elle était nécessaire…
Et ce dernier objet de mes plus tendres vœux,
La Mort vint le frapper sur mon sein malheureux !
Dans mes bras, sans pitié, saisissant sa victime,
L’inhumaine me laisse et referme l’abîme.

Je n’aperçois plus rien, rien qu’un désert affreux.
Il n’est plus pour mon cœur, il n’est plus pour mes yeux,
D’aurore, de printemps, de fleurs, ni de verdure ;
Je ne vois qu’un tombeau dans toute la nature.
Avec ma fille, hélas ! tendresse, espoir, bonheur,
Tout a fini pour moi, tout est mort dans mon cœur.

II

En vain toujours errante et toujours inquiète,
Je crois fuir ma douleur en fuyant ma retraite ;
Ici pour mes yeux seuls la nature est en deuil,
Et tout semble avec moi gémir sur un cercueil.
Malgré moi-même, hélas ! de ma fille expirante
Je retrouve en tous lieux l’image déchirante.
Je sens encor ses maux, je la revois en pleurs
Tour-à-tour résistant, succombant aux douleurs,
S’attacher à mon sein, et, d’une main débile,
Sur ce sein malheureux se chercher un asile.