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DES DAMES FRANÇAISES.


Ainsi dans ton esprit avide de culture,
Mes désirs inquiets devinaient la nature ;
Et, dans ces doux travaux conduite par l’amour,
J’amassais en secret pour t’enrichir un jour.
En soins ingénieux la tendresse est fertile,
Et le cœur à l’esprit sait rendre tout facile.
 
Quel changement terrible ! hélas ! ces heureux jours,
En vain je les rappelle, ils ont fui pour toujours.
Depuis l’instant affreux où tu me fus ravie,
Et qui dut être, hélas ! le dernier de ma vie,
Ma jeunesse s’écoule en regrets impuissans,
Et toujours superflus, et toujours renaissans.
Rien ne peut de mon cœur tromper l’inquiétude ;
Rien ne peut de t’ aimer remplacer l’habitude :
Mes vœux n’ont point d’objet, mon ame est sans désir ;
Je n’ai plus devant moi qu’un éternel loisir ;
Et le sommeil suspend l’ennui qui me consume,
Pour me le rendre encore avec plus d’amertume.
Hélas ! les soins touchans, les pleurs de la pitié,
Tout aigrit ma douleur, et je fuis l’amitié.
Elle me cherche en vain ; en vain, toujours plus tendre,
Elle poursuit un cœur qui ne peut plus l’entendre.
Sa voix, sa douce voix, réclamant son pouvoir,
Vainement dans mon ame ouverte au désespoir,
De la froide raison rappelle la constance :
Le courage n’est plus où n’est plus l’espérance.

IV

Où vais-je ? où suis-je, hélas ! ô douleur, ô tourment !
Ne puis-je sans souffrir respirer un moment ?