Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/112

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trouva, en prenant son mouchoir, la lettre du comte de Guiche, cachetée et sans dessus. Si elle eût songé à ce que ce pouvoit être, elle ne l’eût pas ouverte ; mais, de peur d’être obligée de ne la pas ouvrir, elle n’y voulut pas songer, et l’ouvrit brusquement, sans faire la moindre réflexion. Toute la vivacité de la comtesse ne lui put faire imaginer ce que lui vouloit dire le comte de Guiche sur le sujet du mécontentement qu’il témoignoit avoir contre Manicamp, de sorte qu’elle commanda à un de ses gens de lui aller dire le lendemain qu’il la vînt voir, résolue de le gronder de la lettre qu’il lui avoit donné du comte de Guiche, et de lui défendre de s’en charger à l’avenir. Comme il entra dedans la chambre le lendemain, sa curiosité lui fit oublier sa colère. « Eh bien ! lui dit-elle, apprenez-moi votre brouillerie avec votre ami. — C’est, Madame, lui dit-il, qu’avant-hier je vous en apportois une lettre, et je la perdis ; il est enragé contre moi. Je ne sçais que lui dire, car j’ai tort. » La comtesse craignant que cette lettre perdue fût retrouvée par quelqu’un qui fît une histoire d’elle qui réjouît le public : « Allez, lui dit-elle, la chercher par tout, et ne revenez pas que vous ne me la rapportiez. » Manicamp sortit aussitôt, et revint le soir lui dire qu’il n’avoit rien trouvé, que le comte de Guiche ne le vouloit plus voir, et qu’il venoit la supplier de les remettre bien ensemble. — Je le ferai, dit-elle, quoi que vous ne le méritiez pas. J’irai demain chez mademoiselle Cornuel[1] ; dites à votre ami qu’il s’y trouve. — Je n’ai plus de commerce avec lui, dit Manicamp,

  1. Il y avoit trois Cornuel : la mère et deux belles-filles. Cette fois ce ne seroit pas trois pages, c’est vingt, trente