Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/154

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LETTRE.

Je vous avoue, Madame, que j’ai bien fait des fautes en ma vie, car je suis homme et encore jeune ; mais je n’en ai jamais fait une plus grande que celle de la nuit passée : elle n’a point d’excuse, Madame, et vous ne sçauriez me condamner à quoi que ce soit que je n’aie bien mérité. J’ai tué, j’ai trahi, j’ai fait des sacrilèges ; pour tous ces crimes-là vous n’avez qu’à chercher des supplices ; si vous voulez ma mort, je vous irai porter mon épée ; si vous ne me condamnez qu’au fouet, je vous irai trouver nu, en chemise. Souvenez-vous, Madame, que j’ai manqué de pouvoir, et non de volonté ; j’ai été comme un brave soldat qui se trouve sans armes lorsqu’il faut qu’il aille au combat. De vous dire, Madame, d’où cela est venu, j’en serois bien empêché ; peut-être m’est-il arrivé comme à ceux de qui l’appétit se passe quand ils attendent trop à manger ; peut-être que la force de l’imagination a consumé la force naturelle. Voilà ce que c’est, Madame, de donner tant d’amour : une médiocre beauté, qui n’auroit pas troublé l’ordre de la nature, auroit été plus satisfaite. Adieu, Madame ; je n’ai rien à vous dire davantage, sinon que peut-être me pardonnerez-vous le passé, si vous me donnez lieu de faire mieux à l’avenir : je ne demande pour cela que jusqu’à demain, à la même heure qu’hier.

« Après avoir envoyé par un de mes laquais ces belles promesses à celui de madame d’Olonne qui attendoit sa réponse à mon logis, je m’en allai, et, ne doutant point que mes offres ne fussent