Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/153

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madame d’Olonne qu’un des siens lui avoit donnée. La voici dans ma poche ; je vous la vais lire. » En disant cela, le comte lut cette lettre à Vineuil :

LETTRE.

Si j’aimois le plaisir de la chair, je me plaindrois d’avoir été trompée ; mais, bien loin de m’en plaindre, j’ai de l’obligation à votre foiblesse : elle est cause que, dans l’attente du plaisir que vous ne m’avez pu donner, j’en ai goûté d’autres par imagination qui ont duré plus long-temps que ceux que vous m’eussiez donnés si vous eussiez été fait comme un autre homme. J’envoie maintenant savoir ce que vous faites, et si vous avez pu gagner votre logis à pied ; ce n’est pas sans raison que je vous fais cette demande, car je n’ai jamais vu un homme en si méchant état que celui où je vous laissai. Je vous conseille de mettre ordre à vos affaires ; avec plus de chaleur naturelle que je ne vous en ai vu, vous ne sçauriez encore vivre long-temps. En verité, Monsieur, vous me faites pitié, et, quelque outrage que j’aie reçu de vous, je ne laisse pas de vous donner un bon avis : fuyez Manicamp[1]. Si vous êtes sage, vous pourrez recouvrer votre santé, mais restez quelque temps sans le voir. C’est assurément de lui que vient votre foiblesse, car, pour moi, à qui mon miroir et ma représentation ne mentent point, je ne crains pas qu’on me puisse accuser, ni me faire reproche.

« À peine eus-je achevé de lire cette lettre que j’y fis cette réponse :

  1. Voyez ce qu’on a dit de Guiche et de Manicamp.