Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/188

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cette affaire contre le maréchal son père et ses parents, qui s’y opposoient ; et, en effet, malgré tous les arrêts du Parlement et tous les obstacles que le maréchal son père y pût apporter,

    jouissance légitime, on douta que sa douleur fût aussi grande que sa perte. » (Mott., t. 3, p. 183.)

    Voilà la veuve en campagne. Un prêtre que nous reverrons, Cambiac, M. de Nemours, Condé et d’autres de ci et de là, lui enlèvent son cœur, qu’elle expose fort aux surprises, peu par amour sincère, si ce n’est pour Nemours, beaucoup par intérêt. Cambiac lui servit à conquérir un pouvoir absolu sur la princesse douairière, qu’il dirigeoit, et qui lui légua des rentes considérables (Lenet, p. 219). On verra ce que signifia l’intrigue qu’elle eut avec Condé. En 1652, au moment de la bataille Saint-Antoine, elle ne lui plaît pas encore beaucoup, car il lui fait une rude grimace chez Mademoiselle (Montp., t. 2, p. 269). Le canon avoit tonné tout le jour. À dîner, « elle faisoit des mines les plus ridicules du monde, et dont l’on se seroit bien moqué si l’on eût été en humeur de cela ». Un peu plus tard, la même année (Montp., t. 2, p. 326), elle « mouroit d’envie de donner dans la vue à M. de Lorraine. Elle vint un soir chez moi, dit Mademoiselle, parée, ajustée, la gorge découverte », etc. « Dès qu’elle fut partie, M. de Lorraine nous dit : Voilà la plus sotte femme du monde ; elle me déplaît au dernier point. »—La veille ou l’avant-veille, elle avoit fait venir un joaillier, lui présent, et avoit en vain essayé de se faire offrir quelque bijou.

    En même temps elle aime Nemours, et la guerre n’y fait rien. Mademoiselle est toujours bonne à interroger (t. 2, p. 214) ; elle nous dira comment les amoureux couroient alors les grands chemins au travers des mousquetades. Belle époque ! et qu’un écrivain a récemment eu raison (M. Feillet, dans la Revue de Paris) de traiter mal. Les seigneurs mettent tout en révolution ; ils jouent à la bataille, ils écrivent des billets doux pendant que les campagnes succombent sous une effroyable misère.

    « Madame de Nemours partit aussitôt pour le venir trouver. Madame de Châtillon vint avec elle jusqu’à Montargis ; elle disoit qu’elle alloit pour conserver sa maison de Châtillon. Mais comme elle fut arrivée à Montargis, elle jugea que de là elle conserveroit bien ses terres, et qu’il y avoit plus