Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/187

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demande, et, comme sa passion ne faisoit que de naître, il n’eut pas beaucoup de peine à s’en défaire. Il promit à Coligny que non seulement il n’y songeroit plus, mais qu’il le serviroit en

    devoit, au jour de sa mort, avoir la jarretière de cette rivale nouée autour de son bras.

    Je sais bien que les Mémoires de M. de *** ne peuvent pas être considérés comme des mémoires d’une grande valeur et qu’ils ressemblent à une compilation ; je les appellerai toutefois en témoignage. Ce qu’ils disent nous fait faire un grand pas dans notre histoire, et, aux louanges méritées en 1648 par la beauté de la duchesse, ils ajoutent déjà quelque chose des critiques sévères que sa conduite postérieure va attirer sur elle.

    « Élisabeth de Montmorency étoit de belle taille ; son air et son port étoient nobles et pleins d’agréments ; ses traits étoient réguliers, et son teint avoit tout l’éclat que peut avoir une brune ; mais sa gorge et ses mains ne répondoient pas à la beauté de son visage. Son esprit vif et plein de feu rendoit sa conversation agréable, et elle avoit des manières douces et flatteuses dont il étoit impossible de se défendre. Elle avoit de la vanité et aimoit la dépense ; mais, comme elle n’avoit pas assez de bien pour la soutenir, elle obligeoit ceux qui s’attachoient auprès d’elle à fournir à ses profusions. Bien qu’elle eût beaucoup de discernement, après avoir vu à ses pieds un prince aussi grand par ses belles qualités que par sa naissance, elle s’abaissoit souvent à des complaisances indignes d’elle pour des personnes qui lui étoient inférieures en toutes choses, mais qui pouvoient être utiles à ses desseins. » (Mém. de M. de ***, Collect. Michaud, p. 469.)

    Mais il faut d’abord que la dame soit veuve ; mariée elle est contrainte ; Châtillon expire donc dans l’une des premières journées sérieuses de la Fronde.

    « Ce jeune seigneur fut regretté publiquement de toute la cour à cause de son mérite et de sa qualité, et tous les honnêtes gens eurent pitié de sa destinée. Sa femme, la belle duchesse de Châtillon, qu’il avoit épousée par une violente passion, fit toutes les façons que les dames qui s’aiment trop pour aimer beaucoup les autres ont accoutumé de faire en de telles occasions ; et comme il lui étoit déjà infidèle et qu’elle croyoit que son extrême beauté devoit réparer le dégoût d’une