Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/201

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réponse au duc, et, comme il entra le lendemain dans sa chambre : « Venez-vous encore ici, Monsieur, lui dit-elle, me faire quelque nouvelle offense ? Parceque l’on a l’humeur douce et le visage, croyez-vous qu’il n’y a qu’à entreprendre avec les gens ? S’il ne faut qu’être rude pour avoir votre estime, on en fait assez de cas pour se contraindre quelque temps. Oui, Monsieur, on sera fière, et je vois bien qu’il le faut être avec vous. » Ces dernières paroles furent un coup de foudre tombé sur ce pauvre amant. Les larmes lui vinrent aux yeux, et ses larmes parlèrent bien mieux pour lui que tout ce qu’il put dire. Après avoir été un moment sans parler : « Je suis au désespoir, Madame, lui répondit-il, de vous voir en colère, et je voudrois être mort, puisque je vous ai déplu. Vous allez voir, Madame, dans la vengeance que j’ai résolu de prendre de l’offense que vous avez reçue, que vos intérêts me sont bien plus chers que les miens propres ; je m’en vais si loin de vous, Madame, que mon amour ne vous importunera plus.—Ce n’est pas cela que je vous demande, interrompit cette belle ; vous pourriez bien sans me fâcher demeurer encore ici. Ne sçauriez-vous me voir sans me dire que vous m’aimez, ou du moins sans me l’écrire ? —Non, non, Madame, répliqua-t-il ; il m’est absolument impossible.—Eh bien ! Monsieur, voyez-moi donc, reprit madame de Châtillon ; j’y consens, mais remarquez bien tout ce qu’on fait pour vous.—Ah ! Madame, interrompit le duc en se jetant à ses pieds, si je vous ai adorée toute cruelle que vous avez été, jugez ce que je ferai quand vous aurez de la douceur ! Oui, Madame,