Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/200

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qu’elle se préparoit à faire une visite fort courte, lorsque le duc de Nemours la prévint. Le prince, amoureux et discret, sçachant bien qu’il jouoit un méchant personnage devant une femme clairvoyante comme la comtesse de Maure, sortit et s’en alla chez lui écrire cette lettre à sa maîtresse :

LETTRE.

Je sors d’auprès de vous, Madame, pour être plus avec vous que je n’étois. La comtesse de Maure m’observoit, et je n’osois vous regarder ; je craignois même, comme elle est habile, que cette affectation ne me découvrît : car enfin, Madame, on sçait si bien qu’il vous faut regarder quand on est auprès de vous que l’on croit que qui ne vous regarde pas y entend finesse. Si je ne vous vois pas maintenant, Madame, au moins ne s’aperçoit-on pas que j’ai de l’amour, et j’ai la liberté de ne l’apprendre qu’à vous. Mais que je serois heureux si je pouvois vous le persuader au point qu’il est, et que vous seriez injuste en ce cas-là, Madame, si vous n’aviez pas quelque bonté pour moi !

Madame de Châtillon se trouva fort embarrassée en recevant cette lettre. Elle ne sçavoit quel parti prendre, de la douceur ou de la sévérité. Celui-ci pouvoit faire perdre le cœur de son amant, l’autre son estime, et tous les deux le rebuter. Enfin elle résolut de suivre le plus difficile, comme étant le plus honnête ; et, quoi que lui dît son cœur, elle aima mieux faire ce que lui conseilla sa raison. Elle ne fit point de