Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/251

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LETTRE

De Cambiac à monsieur de Brienne[1].

Vous serez bien surpris lorsque vous apprendrez l’aventure qui m’est arrivée ; mais, pour la dire telle qu’elle est, il faut reprendre un peu plus loin à vous dire que madame de Châtillon vint ici pour obliger madame de Pisieux à la venir trouver afin d’obtenir de moi certaines choses qu’elle souhaitoit. Madame de Pisieux, comme vous sçavez, m’écrivit, et vous sçavez encore que j’ai fait le voyage. Le même jour que j’arrivai, madame de Châtillon envoya La Fleur pour sçavoir si j’y étois, et le lendemain un homme inconnu, sous de fausses enseignes, me vint demander et sçavoir si je m’en retournerois bientôt à Paris. Hier au matin, je partis d’ici à quatre heures. Comme je fus à cent pas de Pontoise, après avoir passé la rivière, je fus investi par six cavaliers, le pistolet à la main, à la tête desquels étoit le comte Digby. Il me dit d’abord que si madame de Châtillon m’avoit fait justice elle m’auroit fait donner cent coups de poignard ; mais que je ne craignisse rien. Je vous dirai, sans faire le gascon, que j’agis fort fièrement en ce rencontre, et que dans cette affaire je n’ai pas fait la moindre bassesse. Il me

  1. Brienne, fils d’Antoine de Loménie, seigneur de la Ville aux Clercs, secrétaire d’État nommé par Anne d’Autriche à la place de Chavigny.

    Il meurt le 5 novembre 1666, à soixante et onze ans, et laisse des Mémoires.

    Son fils (Brienne le jeune) est l’un des personnages les plus curieux du XVIIe siècle ; mais il nous entraîneroit beaucoup trop loin si nous nous occupions de lui.