Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/257

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pas qu’on les puisse rapporter, mais par les fragmens les plus honnêtes que voici on jugera du reste.

Elle mandoit en beaucoup d’endroits à Cambiac qu’il en pouvoit parler comme il lui plairoit, mais qu’il étoit plus généreux à lui d’en dire du bien qu’autrement ; que, depuis qu’on s’étoit mis entre les mains des gens, comme elle avoit fait entre les siennes, ils pouvoient en abuser, et que le parti qu’une pauvre femme avoit à prendre en ces rencontres-là, c’étoit de souffrir et se taire. Dans un autre endroit, elle lui mandoit qu’il avoit beau faire, qu’elle l’aimeroit toujours, et, bien qu’elle se préparât à faire une confession générale à Pâques, qu’il n’y avoit rien qui le regardât.

La reine fut fort surprise de l’emportement de madame de Châtillon dans ses lettres ; elle ne fut pourtant pas fâchée du mépris que cela lui attiroit, et, lorsqu’elle eut appris l’insulte que l’on avoit faite à Cambiac, elle en fit un fort grand bruit, et dit publiquement que, puisque l’on maltraitoit les gens qui rentroient en leur devoir, le roi sçauroit bien leur faire justice.

Lorsque le comte Digby vint voir madame de Châtillon après l’enlèvement de Cambiac, il fut fort étonné de ne recevoir d’elle que des reproches, au lieu de remerciemens qu’il attendoit. « Quand on vous témoignoit, lui dit-elle, d’avoir du chagrin contre Cambiac, cela ne vouloit pas dire qu’il le fallût enlever. Il est bien aisé de voir que dans cette belle action vous vous êtes plus considéré que moi ; mais j’aurai soin de mes intérêts à mon tour, et j’oublierai les vôtres. » Digby