Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/268

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ma vie avec vous et nous lier d’intérêts encore plus que nous n’avons fait jusqu’ici. Ne croyez pas que Madame la Princesse[1] soit un obstacle à cela ; on en rompt de plus considérables quand on aime autant que je fais. Je ne donne en cet endroit, ma chère cousine, aucunes bornes à mon imagination, ni à vos espérances ; vous les pourrez pousser aussi loin qu’il vous plaira. Adieu.

L’espérance qu’eut madame de Châtillon, sur cette lettre, de pouvoir épouser monsieur le Prince, lui fit balancer à refuser les offres du roi d’Angleterre. Elle consulta là dessus un de ses amis, en présence de Bordeaux. Celle-ci, de qui le mari

  1. Claire-Clémence de Maillé, fille du maréchal de Brézé, mariée le 11 février 1641 au grand Condé, qui n’en vouloit pas et qui ne l’aima jamais. Elle montra du courage pour le défendre en 1650.

    Délaissée, elle eut des amants. Mademoiselle (t. 2, p. 51) cite, en 1649, Saint-Mesgrin. En 1671, un de ses valets de pied, Duval, et un page, Rabutin, qui apparemment jouissoient de ses bonnes grâces, mettent l’épée à la main l’un contre l’autre ; elle accourt, elle est blessée. Toute la cour retentit de l’esclandre. Rabutin s’enfuit ; il s’éleva aux premiers honneurs de l’armée impériale en Hongrie (Saint-Simon, note à Dangeau, t. 4, p. 479). À partir de ce moment, madame la princesse fut enfermée à Châteauroux ; son fils lui cacha la mort de Condé. Elle mourut le 16 avril 1694 (Dangeau, 18 avril).

    Madame de Motteville (t. 4, p. 80) lui a rendu quelque justice : « La douleur l’avoit embellie… Elle avoit des qualités assez louables ; elle parloit spirituellement quand il lui plaisoit de parler, et, dans cette guerre (de Bordeaux), elle avoit paru fort zélée à s’acquitter de ses devoirs. Elle n’étoit pas laide : elle avoit les yeux beaux, le teint beau et la taille jolie. Sans se faire toujours admirer de ceux qui la conduisoient et de ceux qui étoient auprès d’elle, elle a du moins cet avantage d’avoir eu l’honneur de partager les malheurs de M. le Prince. »