Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/269

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étoit auprès de monsieur le Prince, disoit à sa maîtresse qu’elle étoit visionnaire de songer un moment à épouser une ombre de roi, un misérable qui n’avoit pas de quoi vivre, et qui, en se faisant moquer d’eux, la ruineroit en peu de temps ; que, s’il étoit possible, contre toutes les apparences du monde, qu’il remontât un jour sur le trône, elle pouvoit bien croire qu’étant loin d’elle, il la répudieroit sur le prétexte d’inégalité de condition. Son ami lui disoit, au contraire, que sa vision étoit d’épouser monsieur le Prince, qui étoit marié, et dont la femme se portoit bien ; que les gens de la condition du roi d’Angleterre pouvoient quelquefois être en mauvaise fortune, mais qu’ils ne pouvoient jamais être dans cette extrême nécessité si commune aux particuliers ; qu’il étoit beau à une demoiselle de vivre reine, quand même elle vivroit malheureuse, et qu’elle ne devroit jamais refuser un titre honorable, quand elle ne le devroit porter que sur son tombeau. « Pour vous, Mademoiselle, se retournant vers Bordeaux, vous avez raison de parler comme vous faites à Madame, ne considérant que vos intérêts ; mais moi, qui n’ai égard qu’aux siens, je lui dis ce que je dois dire. » Madame de Châtillon leur rendit grâce de l’amitié qu’ils lui témoignèrent, et leur dit qu’elle songeroit encore à leurs raisons avant que de résoudre. Elle ne vouloit pas répondre plus positivement devant son ami sur une affaire où elle avoit honte de prendre le parti contraire à son avis. Cependant il en vint de plusieurs endroits au roi d’Angleterre de la vie de madame de Châtillon et de sa conduite présente avec l’abbé Foucquet. Il n’y a point d’homme un peu glorieux qui,