Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/319

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Embrassons-nous, et cetera.
Alleluia !

    L’une et l’autre furent aimées du roi, mademoiselle de La Mothe-Argencourt la première.

    Les Mémoires de Mademoiselle (t. 3, p. 272) font commencer les choses en 1658. Peut-être faut-il remonter jusqu’en 1657. Madame de La Mothe-Argencourt, la mère, habitoit Montpellier, elle y reçut toute la cour en 1660 (Montp., t. 3, p. 441).

    La fille « n’avoit ni une éclatante beauté, ni un esprit fort extraordinaire ; mais toute sa personne étoit fort aimable. Sa peau n’étoit ni fort délicate, ni fort blanche ; mais ses yeux bleus et ses cheveux blonds, avec la noirceur de ses sourcils et le brun de son teint, faisoient un mélange de douceur et de vivacité si agréable qu’il étoit difficile de se défendre de ses charmes. Comme, à considérer les traits de son visage, on pouvoit dire qu’ils étoient parfaits, qu’elle avoit un très bon air et une fort belle taille ; qu’elle avoit une manière de parler qui plaisoit et qu’elle dansoit admirablement bien, sitôt qu’elle fut admise à un petit jeu où le roi se divertissoit quelquefois les soirs, il sentit une si violente passion pour elle que le ministre en fut inquiet. » (Motteville, t. 4, p. 401.) Elle étoit aimée alors de Chamarante et du marquis de Richelieu. Mazarin et Anne d’Autriche, effrayés de cette subite passion, et poussés vivement par la marquise de Richelieu, qui étoit jalouse, s’arrangent pour écarter la favorite. Mais la mère de la belle la veut jeter au cou du roi, même comme simple maîtresse, et cherche à négocier cela comme une affaire avec le ministre, qui apprend d’elle l’amour de Chamarante et celui du marquis de Richelieu, part de là, découvre au roi ses rivaux, et le retire, par ces artifices, d’une passion où il s’engageoit avec ardeur. Louis XIV trompé se montra dédaigneux. Peu après quelqu’un trouve un billet perdu : « Fouilloux dit que c’étoit de La Motte au marquis de Richelieu, qui en faisoit le galant depuis que le roi ne l’étoit plus. Cette pauvre fille pleura et cria les hauts cris, et désavoua le billet. » (1658, Montp., t. 3, p. 337.)

    La pauvre fille, qui n’avoit point failli, et qui avoit résisté même au roi, sentit sa vie troublée ; elle prit goût à la vie religieuse dans la maison des Filles-Sainte-Marie de Chaillot, et s’y consacra. (Voyez, entre autres écrivains de ce genre,