Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/338

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grandes qualités ; je crois qu’il obscurcira la gloire de tous ses prédécesseurs. » Je ne pus m’empêcher de lui rire au nez, voyant à quel propos elle lui donnoit ces louanges, et de lui répondre : « On n’en peut douter, Madame, après ce qu’il vient de faire pour vous. » Elle étoit alors si satisfaite de Sa Majesté que je la vis sur le point, pour lui témoigner sa reconnoissance, de crier : Vive le roi !

Il y a des gens qui ne mettent que les choses saintes pour bornes à leur amitié, et qui feroient tout pour leurs amis, à la réserve d’offenser Dieu. Ces gens-là s’appellent amis jusqu’aux autels. L’amitié de madame de Sévigny a d’autres limites : cette belle n’est amie que jusqu’à la bourse ; il n’y a qu’elle de jolie femme au monde qui se soit deshonorée par l’ingratitude. Il faut que la nécessité lui fasse grand’peur, puisque, pour en éviter l’ombre, elle n’appréhende pas la honte. Ceux qui la veulent excuser disent qu’elle défère en cela au conseil des gens qui sçavent que c’est que la faim et qui se souviennent encore de leur pauvreté. Qu’elle tienne cela d’autrui ou qu’elle ne le doive qu’à elle-même, il n’y a rien de si naturel que ce qui paroît dans son économie.

La plus grande application qu’ait madame de Sévigny est à paroître tout ce qu’elle n’est pas. Depuis le temps qu’elle s’y étudie, elle a déjà appris à tromper ceux qui ne l’avoient guère connue ou qui ne s’appliquent pas à la connoître ; mais, comme il y a des gens qui ont pris en elle plus d’intérêt que d’autres, ils l’ont découverte et se sont aperçus, malheureusement pour elle, que tout ce qui reluit n’est pas or.