Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/347

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si madame de Sévigny n’avoit pas intention de m’aimer, on ne peut pas avoir plus de complaisance pour elle que j’en eus en ce rencontre. Cependant, comme j’étois son plus proche parent du côté le plus honorable, elle me fit mille avances pour être son mari ; et moi, qui lui trouvois une manière d’esprit qui me réjouissoit, je ne fus pas fâché de demeurer sur ce pied-là auprès d’elle. Je la voyois presque tous les jours, je lui écrivois, je lui parlois d’amour en riant, je me brouillois avec mes plus proches pour servir de mon crédit et de mon bien ceux qu’elle me recommandoit ; enfin, si elle eût eu besoin de tout ce que j’ai au monde, je lui aurois eu grande obligation de me donner lieu de l’en assister. Comme mon amitié ressembloit assez à l’amour, madame de Sévigny en fut assez satisfaite tant que je n’aimai point ailleurs ; mais le hasard, comme je vous dirai ensuite, m’ayant fait aimer madame de Précy[1], ma cousine ne me témoigna plus tant de tendresse qu’elle faisoit lorsqu’elle croyoit que je n’aimois rien qu’elle. De temps en temps nous avions de petites brouilleries, qui véritablement s’accommodoient, mais qui laissoient dans mon cœur, et je crois dans le sien, des semences de division au premier sujet que nous en aurions l’un ou l’autre, et qui même étoient capables d’aigrir des choses indifférentes. Enfin, s’étant présenté une occasion où j’avois besoin de madame de Sévigny, et où sans son assistance j’étois en danger de perdre ma fortune, cette ingrate m’abandonna et me fit en amitié la plus

  1. Je ne sais rien de particulier sur cette dame.