Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/359

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vers ; elle en fait d’assez jolis ; elle chante mieux que femme de France de sa qualité ; personne ne danse mieux qu’elle ; elle craint la solitude ; elle est bonne amie, jusqu’à prendre brutalement le parti de ceux qu’elle aime quand on en veut mal parler devant elle, et jusqu’à leur donner tout son bien s’ils en avoient besoin ; elle garde religieusement leurs secrets ; elle sçait fort bien vivre avec tout le monde ; elle est civile comme il faut que le soit une femme de qualité, et, quoiqu’elle aime assez à ne fâcher personne, sa civilité tient plus de la gloire que de la flatterie. Cela fait qu’elle ne gagne pas les cœurs sitôt que beaucoup d’autres plus insinuantes ; mais quand on connoît sa fermeté, on s’attache bien plus fortement à elle.

Portrait de monsieur de la Feuillade.

La Feuillade n’est pas tout à fait pour homme ce que madame de Monglas est pour femme : ce sont des mérites différents. Celui-ci néanmoins a quelques faux brillans qui peuvent éblouir d’abord les étourdis, mais qui ne trompent pas les gens qui font des réflexions. Il a les yeux bleus et vifs, la bouche grande, le nez court, les cheveux frisés et un peu ardens, la taille assez belle, les genoux en dedans ; il a trop de vivacité, il parle fort et veut toujours être plaisant ; mais il ne fait pas toujours ce qu’il veut, cela s’entend avec les honnêtes gens : car, pour le peuple et les esprits médiocres, avec qui il ne faut qu’avoir toujours la bouche ouverte pour rire ou pour parler, il est admirable ; il a l’esprit léger, et le cœur dur