Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jusqu’à l’ingratitude ; il est envieux, et c’est lui faire outrage que d’avoir de la prospérité ; il est vain et fanfaron, et à son avénement dans le monde il nous avoit si souvent dit qu’il étoit brave qu’on faisoit conscience d’en douter ; cependant on fait conscience aujourd’hui de le croire.

Je vous ai dit que madame de Monglas, persuadée qu’il avoit une violente passion pour elle, lui avoit laissé croire qu’il pouvoit espérer d’être aimé. Tout autre que la Feuillade eût fait de cette affaire la plus agréable affaire du monde ; mais il étoit logé comme je vous ai dit et n’aimoit que par boutades ; il en faisoit assez pour échauffer sa maîtresse, et trop peu pour lui faire prendre parti. Quand je disois à cette belle qu’il l’aimoit fort, parceque la Feuillade m’avoit prié devant elle de parler pour lui en son absence, elle se moquoit de moi et me faisoit remarquer quelques endroits de son procédé qui détruisoient les bons offices que je lui voulois rendre. Je ne laissois pas de l’excuser, et, ne pouvant toujours sauver sa conduite, je justifiois au moins ses intentions. Nous étions, à peu près en ces termes, Darcy et moi, avec mesdames de Précy et de l’Isle, c’est-à-dire qu’elles vouloient bien que nous les aimassions ; mais véritablement nous faisions mieux notre devoir auprès d’elles que la Feuillade auprès de madame de Monglas. Enfin, trois mois s’étant passés pendant lesquels cette belle se trouvoit plus engagée par les choses que je lui avois dites en faveur de la Feuillade que par l’amour qu’il lui avoit témoigné, il fallut que cet amant allât servir à l’armée à un régiment