Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’infanterie qu’il avoit. Cet adieu lui fit sentir qu’elle avoit dans le cœur pour la Feuillade un peu plus de bonté qu’elle n’avoit cru jusque là : elle lui en laissa voir quelque chose ; mais, quoique c’en fût assez pour rendre un honnête homme heureux, cela ne pouvoit pas choquer la vertu la plus sévère. La Feuillade, en partant, lui fit mille protestations de l’aimer toute sa vie, quand même elle s’opiniâtreroit toujours à ne point répondre à sa passion, et lui et moi la pressâmes tant de lui accorder la permission de lui écrire qu’elle y consentit.

Quelque temps avant ce départ, m’apercevant que le commerce que j’avois pour mon ami avec sa maîtresse m’avoit plus touché le cœur pour elle en me la faisant connoître de plus près, et que les efforts que j’avois faits pour aimer madame de Précy ne m’avoient point guéri de madame de Monglas, je résolus de ne la plus voir si souvent, pour n’être pas partagé sans cesse entre l’honneur et l’amour-propre. Tant que la Feuillade fut à Paris, sa maîtresse ne prit pas garde que je la voyois moins qu’à l’ordinaire ; mais, lorsqu’il fut parti, elle connut du changement en ma manière de vie, et cela la mit en peine, croyant que ma retraite étoit une marque de refroidissement de la Feuillade, de qui, même après son départ, elle n’avoit reçu aucune nouvelle. Quelques jours après, m’ayant envoyé prier de l’aller trouver : « Que vous ai-je fait, Monsieur, me dit-elle, que je ne vous vois plus ? Notre, ami a-t-il quelque part à vos absences ? —Non, lui dis-je, Madame ; cela ne regarde que moi.—Comment ! dit-elle, vous ai-je donné