Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/51

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ou, du moins, rassurer Beuvron, par mille douceurs, des craintes que le duc lui avoit données.

L’hiver se passa ainsi sans que le duc de Candale soupçonnât quoi que ce soit de méchant de tout ce qu’elle lui faisoit, et il la quitta, pour retourner à l’armée, aussi satisfait d’elle qu’il l’avoit jamais esté. Il n’y fut pas deux mois qu’il apprit des nouvelles qui troublèrent sa joie. Ses amis particuliers[1], qui prenoient garde de près à la conduite de sa maîtresse, ne lui avoient osé rien dire, tant ils le trouvoient préoccupé de cette infidèle ; mais, s’étant passé depuis son absence quelque chose de fort extraordinaire, et ne craignant pas qu’elle détruisît par sa vue les impressions qu’ils lui vouloient donner, ils hasardèrent tous ensemble, sans qu’ils fissent paroître leur concert, de lui apprendre sa conduite. Ils lui mandèrent donc, chacun séparément, que Jeannin avoit un grand attachement pour madame d’Olonne ; que ses assiduités faisoient croire, non seulement un dessein, mais un heureux succès, et qu’enfin, quand elle ne seroit pas coupable, il devroit n’être pas content d’elle, de voir qu’elle fût soupçonnée de tout le monde.

Mais, pendant que ces nouvelles vont porter la rage dans l’âme du duc de Candale, il est à propos de parler de la naissance, du progrès et de la fin de la passion de Jeannin[2].

  1. Ses amis, nous les verrons bientôt figurer dans ce livre.
  2. Trésorier de l’épargne. « Ces offices (Est. de la Fr., 1649) se vendent un million de livres chacun ; ceux qui les possèdent ont douze mille livres de gages, et, en outre, trois deniers par livre de tout l’argent qu’ils manient, ce qui monte à des sommes excessives. » Nicolas Jeannin de Castille étoit