Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/55

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je ne vous ai point cru amoureux qu’aujourd’hui. Ce n’est pas que je n’aie remarqué de certaines mines en vous qui me faisoient soupçonner quelque chose, mais je suis tellement rebutée de ces façons, et les soupirs et les langueurs sont, à mon gré, une si pauvre galanterie et de si foibles marques d’amour, que, si vous n’eussiez pris avec moi une conduite plus honnête, vous eussiez perdu vos peines toute votre vie. Pour ce qui est maintenant de reconnoissance, vous pouvez croire qu’on n’est pas loin d’aimer quand on est bien persuadée d’être aimée. » Il n’en fallut point davantage à Jeannin pour lui faire croire qu’il étoit à l’heure du berger. Il se jeta aux pieds de madame d’Olonne, et, comme il se vouloit servir de cette action d’humilité pour un prétexte à de plus hautes entreprises : « Non, non, dit-elle, Monsieur ; cela ne va pas comme vous pensez. En quel pays avez-vous ouï dire que les femmes fassent des avances ? Quand vous m’aurez donné de véritables marques d’une grande passion, je n’en serai pas ingrate. » Jeannin, qui vit bien que chez elle l’argent se délivroit avant la marchandise, lui dit qu’il avoit deux cents pistoles et qu’il les lui donneroit si elle vouloit. Elle y consentit, et les ayant reçues : « Si vous trouvez bon, lui dit-il, Madame, de m’accorder quelque faveur sur le tant moins de ces dernières, je vous serai fort obligé, ou, si vous voulez attendre d’avoir toute la somme, faites-moi votre billet de ce que je viens de vous donner pour valeur reçue. » Elle aima mieux le baiser que d’écrire, et, un moment après, Jeannin sortit en l’assurant qu’il lui apporteroit le reste le lendemain. Il n’y manqua pas