Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi. L’argent ne fut pas plutôt compté qu’elle lui tint parole, avec tout l’honneur qu’on peut avoir dans un tel traité.

Quoique Jeannin fût entré par la même porte que Paget, elle en usa bien mieux avec lui, soit qu’à la longue elle esperât d’en tirer de grands avantages, soit qu’il eût quelque mérite caché qui lui tînt lieu de libéralité. Elle ne lui demanda pas de nouvelles preuves d’amour pour lui donner de nouvelles faveurs. Les dix mille livres le firent aimer trois mois durant, c’est-à-dire traiter comme si on l’eût aimé.

Cependant le duc de Candale, ayant reçu des lettres des nouvelles affaires de sa maîtresse, lui écrivit ceci :


LETTRE.

Quand vous pourriez vous justifier à moi de toutes les choses dont on vous accuse, je ne sçaurois plus vous aimer ; quand vous ne seriez que malheureuse, vous y avez trop contribué pour ne pas me deshonorer en vous aimant. Tous les amans sont d’ordinaire ravis d’entendre nommer leurs maîtresses ; pour moi, je tremble aussitôt que j’entends ou que je lis votre nom : il me semble toujours, en ces rencontres, que je vais apprendre une histoire de vous, pire, s’il se peut, que les premières. Cependant je n’ai que faire, pour vous mépriser jusques au dernier point, d’en sçavoir davantage ; vous ne pouvez rien ajouter à votre infamie : attendez-vous aussi à tout le ressentiment que mérite une femme sans honneur d’un honnête homme qui l’a fort aimée. Je n’entre dans aucun détail avec vous, par