Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/61

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marqué de sang en quelques endroits. « Ah ! mon Dieu ! s’écria madame d’Olonne, quoi ! ce pauvre garçon qui avoit tant d’autres choses de plus grande conséquence avoit gardé jusques à ce mouchoir ! Y a-t-il rien au monde de si tendre ? » Et là-dessus elle raconta à la comtesse que, s’étant quelques années auparavant coupée en travaillant auprès de lui, il lui avoit demandé ce mouchoir dont elle avoit essuyé sa main, et l’avoit toujours gardé depuis. Après cela elles trouvèrent des bracelets, des bourses, des cheveux et des portraits de madame d’Olonne et comme elles furent tombées sur les lettres, la comtesse pria son amie qu’elle en pût lire quelques unes. Madame d’Olonne y ayant consenti, la comtesse ouvrit celle-ci la première.


LETTRE.

On dit ici que vous avez été battu. Ce peut être un faux bruit de vos envieux, mais ce peut être aussi une vérité. Ah ! mon Dieu ! dans cette incertitude, je vous demande la vie de mon amant et je vous abandonne l’armée ; oui, mon Dieu, et non seulement l’armée, mais l’État et tout le monde ensemble. Depuis que l’on m’a dit cette triste nouvelle, sans rien particulariser de vous, j’ai fait vingt visites par jour, j’ai jeté des propos de guerre pour voir si je n’apprendrois rien qui me puisse soulager. On me dit par tout que vous avez été battu ; mais on ne me parle point de vous en particulier. Je n’oserois demander ce que vous êtes devenu ; non que je craigne de faire voir par là que je vous aime : je suis en de trop