Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

t, quand après mille mortelles craintes je sais enfin que ma bonne fortune vous a sauvé, car vous avez bien su que vous n’avez nulle obligation à la vôtre, on dit que vous êtes en Avignon entre les bras de madame de Castellanne[1], où vous vous consolez de vos malheurs. Si cela est, je suis bien malheureuse que vous n’ayez pas perdu la vie avec la bataille. Oui, mon cher, j’aimerois mieux vous voir mort qu’inconstant, car j’aurois le plaisir de croire que, si vous aviez vécu davantage, vous m’auriez toujours aimée, au lieu que je n’ai plus que la rage dans le cœur de me voir abandonnée pour une autre qui ne vous aime pas tant que moi.

« Qu’apprends-je là ! dit la comtesse ; Monsieur de Candale aimoit madame de Castelanne, Mérille ? —

  1. Anne-Élisabeth de Rassan, « la belle Provençale », veuve de M. de Castellane. Elle épousa le marquis de Ganges. On connoît son effroyable histoire : ses deux beaux-frères, qui l’aimoient, ne pouvant la séduire, la massacrèrent.

    Ce nom de Castellane me rappelle une autre femme, dont il faut respecter le souvenir : c’est Marcelle d’Altovitti-Castellane, qu’aima et délaissa Guise, le petit-fils du Balafré. Elle mourut de douleur au bout d’un an, après avoir écrit ces admirables vers :

    Il s’en va, ce cruel vainqueur,
    Il s’en va plein de gloire !
    Il s’en va mesprisant mon cœur,
    Sa plus noble victoire !
    Et, malgré toute sa rigueur,
    J’en garde la memoire.
    Je m’imagine qu’il prendra
    Quelque nouvelle amante ;
    Mais qu’il fasse ce qu’il voudra,
    Je suis la plus galante. Le cœur me dit qu’il reviendra :
    C’est ce qui me contente.

    Jamais romance atteignit-elle cette fierté, cette tendresse ?