Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/76

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Monsieur ? lui dit madame d’Olonne ; vous paraissez avoir quelque chose dans l’esprit. — Ne le devinez-vous pas, Madame ? dit Marsillac. — Non, dit-elle, je n’y comprends rien ; comment entendrois-je ce que vous ne me dites pas, moi qui ai bien de la peine à concevoir ce que l’on me dit ? — C’est, je m’en vais vous le dire, répliqua Marsillac en se radoucissant niaisement, c’est que je vous aime. — Voilà bien des façons, dit-elle, pour peu de chose ! Je ne vois pas qu’il y ait tant de difficulté à dire qu’on aime ; il m’en paroît bien plus à bien aimer. — Oh ! Madame, j’ai bien plus de peine à le dire qu’à le faire ; je n’en ai point du tout à vous aimer, et j’en aurois tellement à ne vous aimer pas que je n’en viendrois jamais à bout, quand vous me l’ordonneriez mille fois. — Moy, Monsieur, repartit madame d’Olonne en rougissant, je n’ai rien à vous commander. » Tout autre que Marsillac eût entendu la manière fine dont madame d’Olonne se servoit pour lui permettre de l’aimer ; mais il avoit l’esprit tout bouché. C’étoit de la délicatesse perdue que d’en avoir avec lui. « Quoi ! Madame, lui dit-il, vous ne m’estimez pas assez pour m’honorer de vos commandemens ? — Eh bien ! lui dit-elle, serez-vous bien aise que je vous ordonne de ne me plus aimer ? — Non, Madame, reprit-il brusquement. — Que voulez-vous donc ? reprit madame d’Olonne. — Vous aimer toute ma vie. — Eh bien ! aimez tant qu’il vous plaira, et espérez. » C’étoit assez à un amant plus pressant que Marsillac pour venir bientôt aux dernières faveurs ; cependant, quoi que madame d’Olonne pût faire, il la fit encore durer deux mois ; enfin, quand elle se rendit,