Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/78

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belle, s’il ne se fût point voûté ; l’esprit galant et délicat. Cependant sa mine et son accent faisoient bien souvent valoir ce qu’il disoit, qui devenoit rien dans la bouche d’un autre. Une marque de cela, c’est qu’il écrivoit le plus mal du monde, et il écrivoit

    chevalier, puis comte de Grammont. Il sut jouer. Battu d’abord à la bassette, qu’il ne connoissoit pas (1685), il se mit à rapporter cinquante ou soixante mille écus de tous les voyages qu’il faisoit en Angleterre. (Sourches, t. 1, p. 311.) Il aima mademoiselle de la Mothe-Houdancourt (La Fayette), puis une autre et une autre. Il se maria par hasard avec la sœur d’Hamilton, charmante femme qui fit les délices de la cour de France lorsqu’elle y parut, et dont Bussy n’auroit pas eu un mot à dire.

    Dans l’histoire de Grammont (chap. 6), Saint-Evremont lui dit : « Que de grisons en campagne pour la d’Olonne ! que de stratagèmes, de supercheries et de persécutions pour la comtesse de Fiesque ! Elle qui peut-être vous eût été fidèle si vous ne l’aviez forcée vous-même à ne l’être pas ! » On croiroit lire Bussy lui-même. Grammont, revenu définitivement d’Angleterre, reprit rang à la cour ; sa femme l’y aida. Le roi « se plaisoit beaucoup » avec lui (Lettres de Madame, 22 avril 1719). Les courtisans l’aimoient moins (Dangeau, t. 4, p. 206). Lorsqu’il mourut, et il mourut le plus tard qu’il put mourir, Saint-Simon écrivit sur le journal de Dangeau : « Ce fut également le mépris et la terreur de la cour par tout ce que son âge, sa faveur et sa malice lui donnoient le droit de dire. Son visage étoit d’un vieux singe. »

    Le Recueil de La Place (t. 4, p. 423), qui le fait mourir en 1707, à quatre-vingt-six ans, a conservé son épigrammatique épitaphe :

    Veux-tu des talents pour la cour ?
    Ils égalent ceux de la guerre.
    Faut-il du mérite en amour ?
    Qui fut plus galant sur la terre ?
    Railler sans être médisant,
    Plaire sans faire le plaisant,
    Garder toujours son caractère,
    Vieillard, époux, galant et père,
    C’est le mérite du héros
    Que je te peins en peu de mots.