Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/80

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chevalier, cette belle lui dit qu’il étoit fol de croire qu’elle pût aimer le plus grand fripon du monde. « Voilà une plaisante raison, Madame, lui dit-il, que vous m’alléguez pour vous justifier ! Je sais que vous êtes encore plus friponne que lui, et je ne laisse pas de vous aimer. »


Portrait de madame la comtesse de Fiesque[1].

Quoique le chevalier aimât partout, il avoit pourtant un si grand foible pour la comtesse, que, quelque engagement qu’il eût ailleurs, sitôt qu’il sçavoit que quelqu’un la voyoit un peu plus qu’à

  1. Gilonne d’Harcourt, mariée 1º à Louis de Brouilly, marquis de Pienne, tué à Arras en 1640 ; 2º à Charles-Léon de Fiesque (1643). Son père étoit le frère aîné du père des Beuvron. Le comte de Fiesque, son fils, « étoit une manière de cynique fort plaisant parfois » (Saint-Simon, t. 1, p. 327). La Fontaine a fait des vers pour lui (épitre 19) :
    Cette main me relève ayant abaissé Gêne.

    Le père avoit été de la bande de Condé. Dès 1647 Mazarin l’exiloit (Mott., t. 2, p. 261). Sa mère, la gouvernante de Mademoiselle, étoit Anne Le Veneur (Mott., t. 2, p. 355) ; elle mourut à Saint-Fargeau en 1653.

    Mais qu’importent les généalogies ? Gilonne étoit une femme telle que Bussy la peint. On l’appeloit la reine Gilette (Montp., t. 3, p. 428). Elle s’étoit organisé une petite cour particulière, avec un ordre de chevalerie destiné à récompenser les bons vivants. Grammont a mis dans un couplet :

    Ma reine Gilette,
    Que de la Moquette
    Je sois chevalier.
    Folle, si l’on veut, jusqu’à oublier son état et à écrire à Mademoiselle : « Je vous ai fait l’honneur » (Montp., t. 3, p. 100), jusqu’à lui dire des choses impertinentes (1657), elle avoit courageusement joué son rôle de maréchale de camp, avec son amie madame de Frontenac, dans les temps guerriers de la