Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/81

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l’ordinaire, il quittoit tout pour revenir à elle. Il avoit raison aussi, car la comtesse étoit une femme aimable ; elle avoit les yeux bleus et brillans, le nez bien fait, la bouche agréable et belle de couleur, le teint blanc et uni, la forme du visage longue, et il n’y a qu’elle seule au monde qui

    Fronde. Elle avoit des accès de gaîté extraordinaires. Quelquefois elle eut des mots heureux. Elle improvisoit ; par exemple, elle « cria tout haut l’autre jour chez Mademoiselle (Sév., 17 décembre 1688) :

    Le roi, que sa bonté soumet à mille épreuves,
    Pour soulager les chevaliers nouveaux,
    En a dispensé vingt de porter des manteaux,
    Et trente de faire leurs preuves. »
    Elle est morte en 1699 (Saint-Simon, t. 2, p. 321). « Elle avoit passé sa vie dans le plus frivole du grand monde », vendu une fois une terre pour un beau miroir. « On disoit d’elle qu’elle n’avoit jamais eu que dix-huit ans. »

    Mademoiselle, qui eut à s’en plaindre, la maltraite un peu, quoiqu’elles se soient raccommodées ; M. Paulin Paris, en preux chevalier, la défend (Tall., t. 5, p. 374). Je ferois volontiers comme M. Paulin Paris. D’ailleurs, Mademoiselle (t. 3, p. 39) l’excuse : « C’est une femme qui vous chante pouille, et un moment après elle en est au désespoir et vous dit rage de ceux qui le lui ont fait faire. »

    Madame Cornuel a créé pour elle le sobriquet si répandu de moulin à paroles. (Tallemant des Réaux, t. 9, p. 54.)

    « La comtesse maintenoit l’autre jour à madame Cornuel que Combourg n’étoit point fou ; madame Cornuel lui dit : Bonne comtesse, vous êtes comme les gens qui ont mangé de l’ail. » (Sévigné, 6 mai 1676.)

    Enfin madame Cornuel (Sévigné, t. 3, p. 31, de l’édit. Didot) « disoit que ce qui conservoit sa beauté, c’est qu’elle étoit salée dans sa folie. »

    Cette beauté même étoit-elle bien grande ? Venant à Paris, Christine de Suède dit : « La comtesse de Fiesque n’est pas belle pour avoir fait tant de bruit. Le chevalier de Grammont est-il toujours amoureux d’elle ? » (Montp., t. 3, p. 73.) Et de même don Juan d’Autriche, en 1659 : « Elle n’est guère belle pour faire tant de bruit. » (Montp., t. 3, p. 414.)

    En tout cas, on voit là qu’elle faisoit bien du bruit.