Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/82

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soit embellie d’un menton pointu. Elle avoit les cheveux cendrés, et étoit toujours galamment habillée ; mais sa parure venoit plus de son art que de la magnificence de ses habits. Son esprit étoit libre et naturel ; son humeur ne se peut décrire, car elle étoit, avec la modestie de son sexe, de l’humeur de tout le monde. À force de penser à ce que l’on doit faire, chacun pense d’ordinaire mieux sur la fin que sur le commencement ; il arrivoit d’ordinaire le contraire à la comtesse : ses réflexions gàtoient ses premiers mouvemens. Je ne sçais pas si la confiance qu’elle avoit en son mérite lui ôtoit le soin de chercher des amans ; mais elle ne se donnoit aucune peine pour en avoir. Véritablement, quand il lui en venoit quelqu’un de lui-même, elle n’affectoit ni rigueur pour s’en défaire, ni douceur pour le retenir ; il s’en retournoit s’il vouloit, s’il vouloit il demeuroit ; et, quoi qu’il fit, il ne subsistoit point à ses dépens. Il y avoit donc cinq années, comme j’ai dit, que le chevalier ne la voyoit plus, et, durant cette absence, pour ne point perdre tem.ps, il avoit fait mille maîtresses, entre autres Victoire Mancini[1]

  1. Madame de Motteville (t. 4, p. 387) dit que la reine Christine (en 1656) railla Grammont de la passion qu’il affichoit pour madame de Mercœur. C’étoit une passion ou plutôt une comédie de passion fort ridicule. Jamais femme ne fut plus sage, plus douce, plus simple.

    Laure-Victoire étoit l’aînée des cinq filles de madame Mancini. Mercœur Louis de Vendôme figure, en 1648, à côté du duc d’Orléans, et inspire même des craintes (Motteville, t. 3, p. 186 à i’abbé de la Rivière, qui tremble qu’il ne crie aussi haut que Beaufort. C’est le duc de Vendôme, son père, homme très tranquille, qui (1649, Motteville, t. 3, p. 277) propose le mariage. Cette proposition fut la première cause de