Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/88

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valier lui avoit rendues trois mois durant, et tourné en raillerie tout ce qu’il lui avoit dit de sa passion, et d’autant plus qu’elle étoit persuadée qu’il en avoit une aussi grande pour la comtesse qu’il en pouvoit avoir pour elle. Elle le haïssoit encore comme le diable, lorsque cet amant crut qu’une lettre feroit mieux ses affaires que tout ce qu’il avoit fait et dit jusque là ; dans cette pensée il lui écrivit celle-ci :


LETTRE.

Est-il possible, ma déesse, que vous n’ayez pas connoissance de l’amour que vos beaux yeux, mes soleils, ont allumé dans mon cœur ? Quoiqu’il soit inutile d’avoir recours avec vous à ces déclarations comme avec des beautés mortelles, et que les oraisons mentales vous dussent suffire, je vous ai dit mille fois que je vous aimois ; cependant vous riez et ne me répondez rien. Est-ce bon ou mauvais signe, ma reine ? Je vous conjure de vous expliquer là-dessus, afin que le plus passionné des humains continue de vous adorer et qu’il cesse de vous déplaire.

Madame d’Olonne, ayant reçu cette lettre, l’alla porter aussitôt à la comtesse, avec qui elle croyoit qu’elle eût été concertée ; mais elle ne lui témoigna rien de ce qu’elle en croyoit d’abord. Comme elles vivoient bien ensemble, elle lui fit valoir en riant le refus qu’elle faisoit de son amant et l’avis qu’elle lui donnoit de l’infidelité qu’il lui vouloit faire. Quoique la comtesse n’aimât point le chevalier, cela ne laissa pas de la