Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/87

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chose qui faisoit qu’il lui étoit plus difficile de persuader qu’à un autre, c’étoit qu’il ne parloit jamais sérieusement, de sorte qu’il falloit qu’une femme se flattât fort pour croire qu’il fût bien amoureux d’elle.

J’ai déjà dit que jamais amant n’étant pas aimé n’a été plus incommode que lui. Il avoit toujours deux ou trois laquais sans livrée, qu’il appeloit ses grisons, par qui il faisoit suivre ses rivaux et ses maîtresses. Un jour, madame d’Olonne, en peine comme quoi aller à un rendez-vous qu’elle avoit pris avec Marsillac sans que le chevalier le découvrît, se résolut pour son plaisir de sortir en cape avec une femme de chambre, et d’aller passer la Seine dans un bateau, après avoir donné ordre à ses gens de l’aller attendre au faubourg Saint-Germain. Le premier homme qui lui donna la main pour lui aider à monter dans le bateau fut un des grisons du chevalier, devant qui, sans le connoître, s’étant réjouie avec sa femme de chambre d’avoir trompé le chevalier, et ayant parlé de ce qu’elle alloit faire ce jour-là, ce grison alla aussitôt en avertir son maître, lequel, dès le lendemain, surprit étrangement madame d’Olonne, quand il lui dit le détail de son rendez-vous de la veille.

Un honnête homme qui convainc sa maîtresse d’en aimer un autre que lui se retire promptement et sans bruit, particulièrement si elle ne lui a rien promis ; mais le chevalier ne faisoit pas de même : quand il ne pouvoit se faire aimer, il aimoit mieux se faire tuer que de laisser en repos son rival et sa maîtresse. Madame d’Olonne avoit donc compté pour rien les assiduités que le che-