Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/98

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de Guiche pour la comtesse de Fiesque. Cela ne lui servit pas peu à le faire emporter contre madame d’Olonne, croyant sa réconciliation plus aisée avec la comtesse, moins il garderoit de mesures avec l’autre ; mais, cependant qu’il essaie à se raccommoder, voyons ce que fit le comte de Guiche pour se rendre aimable. Il faut savoir premièrement que le comte avoit une fort grande passion pour mademoiselle de Beauvais[1], fille de peu de naissance et de beaucoup d’esprit ; il faut savoir encore qu’il avoit été tellement tracassé

  1. Voltaire (Siècle de Louis XIV, ch. 24) donne le titre de baronne à madame de Beauvais la mère. Suivant Guy-Patin (lettre du 4 mai 1663), « le père de cette madame de Beauvais étoit un fripier de la halle ; d’autres disent encore moins que fripier, mais seulement crocheteur ».

    Je ne sais pourquoi Walckenaer (t. 2, p. 114) ne la nomme que mademoiselle. Mais dame ou demoiselle, fille d’un crocheteur ou baronne, madame de Beauvais, attachée au service de la reine-mère et assez dévouée à sa maîtresse, malgré quelques intrigues, est assurée de voir son nom sauvé de l’oubli parcequ’elle a eu l’insigne honneur d’être la première femme qu’ait connue de près Louis XIV.

    « On mande de Paris que madame de Beauvais est morte », écrit Dangeau le 14 août 1690. — Saint-Simon, en note : « Créature de beaucoup d’esprit, d’une grande intrigue, fort audacieuse, qui avoit eu le grapin sur la reine-mère, et qui étoit plus que galante. On lui attribue d’avoir la première déniaisé le roi à son profit. » De là son crédit si vigoureux. Les éloges ne pleuvent pourtant pas sur elle. « Vieille, chassieuse et borgnesse….. De temps en temps elle venoit à Versailles, où elle causoit toujours avec le roi en particulier. » (Saint-Simon, ch. 7, t. 1, p. 69.)

    Oui, « borgnesse », toutes les chansons le disent ; mais elle payoit bien ses amants, comme ce Fromenteau, qui de rien, grâce à elle et au roi, son fidèle protecteur, devint un La Vauguyon, souche de ducs. On découvrit qu’elle avoit touché 100,000 livres de Fouquet : c’est assez grave ; et peut-être ne connoît-on pas tous ses métiers ! Qui donc, pour la