Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/105

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lui dit-il, j’ai des remèdes pour tout, même pour le cœur des amans. — Hé ! bon Dieu, reprit Madame, enseignez-les-moi promptement, pour dix ou douze que j’ai que je voudrois bien guérir, pourvu qu’il ne m’en coûtât que quelques herbes du jardin. — Ah ! Madame, reprit-il, il m’en coûte bien moins que des herbes, il ne m’en coûte que des paroles. » Enfin, Chison, qui sacrifioit tout pour le divertissement de Madame, lui conta que le Roi l’avoit envoyé quérir, et qu’il lui avoit demandé avec une extrême émotion si effectivement mademoiselle de La Vallière pouvoit vivre, et si sa maigreur n’étoit pas un mauvais présage. — Et que lui avez-vous répondu ? reprit Madame. — Quoi ? reprit-il, Votre Altesse pouvoit-elle en être en doute ? Je vous assure que je l’ai assuré avec autant de hardiesse de la longueur de ses années comme si j’avois eu lettre de Dieu. J’ai parlé en homme savant, de la vie, de la mort, des destinées ; il ne s’en est presque rien fallu, lorsque j’ai vu la joie du Roi, que je ne lui aie promis une immortalité pour cette fille. — Vrai Dieu ! s’écria Madame, quels charmes secrets a cette créature pour inspirer une si grande passion ? — Je vous assure, reprit Chison, que ce n’est pas son corps qui les fournit. » Madame, en congédiant Chison, le pria de lui faire part de toutes ses petites nouvelles, et une heure après nos deux dames montèrent en carrosse pour Saint-Cloud.

En y allant elles rencontrèrent madame de Chevreuse avec son mari secret, M. de l’Aigles [1] ;

  1. Le marquis de Laigues (et non l’Aigle), étant allé à