Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/108

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se promener toutes deux pour se parler dans la liberté que leur amitié leur donnoit, quand Madame, qui n’avoit que des choses tristes dans le cœur, commença la conversation par des soupirs et la finit par des larmes. La Duchesse regrette aussi un amant, encore plus aimable et aussi tendrement aimé : car il faut dire à la louange de madame de Créquy que son cœur ne se peut donner à demi ; et puis, à vous dire le vrai, ce n’est point à monsieur le Légat à qui l’on feroit de petits présens. Chacun sait qu’il a la plus belle mine d’homme que l’on puisse voir, et qu’il n’y a que les anges qui lui puissent disputer l’avantage de la beauté. Son esprit est admirable, doux infiniment et flatteur ; son cœur est tendre pour les femmes, et il aime avec une passion extrême. Madame de Créquy sans doute ne lui est pas ingrate.

Pour ne nous éloigner pas de l’affliction de Madame, qui étoit causée par le peu de soin que le comte de Guiche avoit pris de lui donner de ses nouvelles : « Eh bien ! ma chère, disoit-elle, que pensez-vous de cet ingrat, qui, après avoir reçu mille et mille marques de ma tendresse, me quitte sans espoir de retour, et m’abandonne à des chagrins épouvantables ? Je sais que vous me direz que le misérable qu’il est ne s’éloigne que par les ordres cruels du Roi, et qu’il n’a pu aller contre. Je l’avoue, mais aussi avouez-moi que, s’il aimoit autant qu’il m’a toujours témoigné, il travailleroit à son retour et à apaiser le Roi. Mais, hélas ! l’aversion qu’il a pour lui et le ressentiment qu’il a contre ses ennemis l’emportent sur la passion qu’il a pour moi. Enfin, après