Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/111

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chasseroient un empereur s’il déplaisoit à leur amant. Elles n’ont que ce qu’elles aiment en tête ; elles sont ravies quand l’occasion leur présente une entrevue secrète ; elles s’abandonnent aux transports ; elles se redisent en secret tout ce que leurs amans leur ont dit, et enfin ces cœurs-là sont bien pris. — Jamais, reprit Madame, je n’avois si bien compris les plaisirs qu’un amour secret donne, comme je fais maintenant ; mais en vérité, Duchesse, tu en parles trop bien pour ne les pas expérimenter. Dis-moi, je te prie, pour qui ton cœur s’est rendu si savant ? » La Duchesse se prit à rire, et lui demanda qui elle croyoit dans la cour qui l’avoit si bien instruite ! — Hé ! je ne sçai pas, dit Madame, car vous donnez si bon ordre à vos affaires que vous passez ici pour prude. Mais, ma belle, vous avez été à Rome. Je doute que, s’il y a quelque aimable Italien dont les passions sont violentes, il n’ait fait quelque effet dans votre âme. Mais je suis bien folle, ma foi ! c’est votre beau-frère, ou je suis bien trompée ; il vous voit assiduement, et l’un et l’autre vous paroissez fort amis, comme gens de nouvelle connoissance. — Aussi, reprit la Duchesse, cela est, car il m’a connue dès que j’étois à Rome. — Oui, dit Madame, vous aima-t-il dès ce temps-là ? — Et que vous êtes méchante de me vouloir embarrasser ! Mais enfin, je vous l’avoue, puisque je le veux bien, et vous ne me volez point mon secret ; je confesse donc que le Légat est plus aimable mille fois par l’esprit que par le corps, quoiqu’il le soit infiniment, même autant qu’on peut aimer ; et moi je l’estime plus que personne. — Ah ! Duchesse, tu n’en dis point