Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/116

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cœur, et que depuis le départ de madame de Colonne il étoit bien des momens dans la vie qui lui sembloient longs ; il nous disoit souvent cela en présence de tout-à-fait belles femmes, et, quoique nous ne le trouvassions pas obligeant, c’étoit à qui le divertiroit le mieux. Un jour qu’il étoit bien plus ennuyé qu’à l’ordinaire, monsieur de Roquelaure [1], pour le tirer de sa rêverie, s’avisa malheureusement de lui faire une plaisanterie de ce qu’une de mes filles étoit charmée de lui, en la contrefaisant, et disant qu’elle ne vouloit plus voir le Roi pour le repos de son cœur, et mille choses de cette nature qu’effectivement La Vallière disoit. Comme vous savez qu’il donne l’air goguenard à tout ce qu’il dit, il réussit fort à divertir le Roi et toute la compagnie ; il demanda qui elle étoit, mais, comme il ne l’avoit pas remarquée, il ne s’en informa pas davantage ; seulement il prit grand plaisir aux bouffonneries du sieur Roquelaure.

Trois jours après, le Roi, sortant de sa chambre, vit passer mademoiselle de Tonnecharante [2] ; il dit à Roquelaure : « Je voudrois bien que ce fût

  1. Voy. t. 1, p. 163 et suiv.
  2. Gabrielle de Rochechouart, de la branche des comtes de Tonnay-Charente, étoit fille unique de Jean-Claude de Rochechouart et de Marie Phelippeaux de la Vrillière. Elle épousa, en 1672, le marquis de Blainville, fils de Colbert. Son père et le père de madame de Montespan étoient, l’un et l’autre, petits-fils de René de Rochechouart ; Gaspard, fils de René, avoit eu lui-même pour fils Gabriel, père de madame de Montespan, et Louis, comte de Maure. La comtesse de Maure, tante de madame de Montespan, étoit donc alliée, à un degré fort rapproché, de mademoiselle de Tonnay-Charente. Il étoit nécessaire de débrouiller cette parenté qui explique certains faits postérieurs.