Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/117

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celle-là qui m’aimât. — Non, Sire, lui dit-il, mais la voilà », en lui montrant La Vallière, à laquelle il dit, en notre présence à tous, d’un ton fort plaisant : « Eh ! venez, mon illustre aux yeux mourans, qui ne savez aimer à moins qu’un monarque ! » Cette raillerie la déconcerta ; elle ne revint pas de cet embarras, quoique le Roi lui fît un grand salut et lui parlât le plus civilement du monde. Il est certain qu’elle ne plut point ce jour-là au Roi ; mais il ne voulut pourtant point qu’on en raillât.

Six jours après, il advint mieux pour elle ; car elle l’entretint fort spirituellement deux heures durant, et ce fut cette conversation fatale qui l’engagea. Comme il eût eu honte de venir voir cette fille chez moi sans me voir, que fit-il ? Il trouva moyen de faire dire à toute sa cour qu’il étoit amoureux de moi ; il en parloit incessamment ; il louoit mon air et ma beauté, et enfin je fus saluée de toutes mes amies de cette nouvelle. Cependant il ne m’en donnoit point d’autres preuves que d’être continuellement chez moi, et, dès qu’il voyoit quelqu’un, d’être attaché à mon oreille à me dire des bagatelles ; et après cela, il retomboit dans des chagrins épouvantables. Il me mettoit souvent sur le chapitre de la belle, en m’obligeant de lui dire jusques aux moindres choses ; et comme je croyois que ce n’étoit que par ce qu’on lui en avoit dit, et que d’ailleurs j’étois bien aise de le divertir, je l’en entretenois autant qu’il le vouloit. Il la voyoit souvent en particulier, et prenoit quelquefois un ton de raillerie pour autoriser ses conversations ; mais pour peu que je continuasse, je voyois bien par la mine