Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/162

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persuader aux autres qu’ils savoient la vérité de tout cela, et, pour paroître mieux instruits, ils forgeoient des particularités vraisemblables ; et, joignant l’effronterie au mensonge, ils débitoient leurs visions d’une manière si audacieuse qu’on ne pouvoit presque s’empêcher de leur donner quelque foi. Mais quelle apparence y avoit-il que ces actions particulières fussent connues de tout le monde, tandis qu’on avoit tant d’intérêt à les cacher ? De tels mystères ne pouvoient avoir de solitude assez profonde, les intéressés n’avoient garde d’en révéler le secret, et si l’amour, qui avoit tout commencé, n’eût tout dit, on n’auroit eu de cette histoire que des lumières imparfaites.

Manicamp [1], affligé au dernier point de l’absence du comte de Guiche, son ami, tâcha de lier avec une dame de la cour une intelligence la plus forte qu’il pût pour adoucir son chagrin ; et comme il avoit affaire à une personne qui vouloit aussi l’engager, mais qui songeoit à ses sûretés, elle le mit à plusieurs épreuves. La première fut à la vérité cruelle, et il falloit être Manicamp et amoureux pour ne s’en pas rebuter. Un jour qu’il la pressoit par les plus tendres paroles que la passion pût mettre à sa bouche : « Eh bien, Manicamp, dit-elle, je vous estime, et je vous aurois déjà dit que je vous aime si je pouvois être assurée que vous fussiez tout à moi. Mais comment voulez-vous que je le croie, poursuivit-elle,

  1. Voy. t. 1, pp. 64, 301 et suiv. — M. de Manicamp avoit une sœur à qui Le Vert dédia, en 1646, sa tragédie d’Arricidie. Il étoit de la familie de Longueval. En 1656, sa sœur, au dire de Loret, se fit Carmélite.