Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/173

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faire autre chose que l’admirer ; mais je sentis enfin que je n’étois plus libre, et que l’embrasement étoit trop grand pour le penser éteindre ; il ne me resta de raison que pour cacher le feu qui me dévoroit. Ce n’est pas que lorsque je me trouvois auprès de cette dame je ne fusse hors de moi, et que, si elle a pris garde à ma contenance et à mes petits soins, elle n’ait pu aisément remarquer le désordre où me mettoit sa présence. La crainte de me faire le rival du plus redoutable du royaume me rendit si mélancolique que j’en perdis l’appétit et le repos, et que je tombai dans cette langueur qui m’a défiguré pendant deux mois. J’étois rongé de tant d’inquiétudes que je n’avois plus guère à durer en cet état, lorsqu’il a plu à la fortune de me guérir d’un de mes maux. Ce rival, auquel je n’osois rien disputer, a pris un autre attachement, et m’a délivré des persécutions que je souffrois de la première galanterie. Ainsi, me voyant moins malheureux, j’ai respiré plus doucement et j’ai repris de nouvelles forces pour me préparer à de nouveaux tourmens. »

« Madame voyant que j’avois cessé de parler : « Est-ce là tout, comte ? me dit-elle ; le nom de cette belle, ne le saurons-nous point ? Je ne vois rien à la cour semblable au portrait que vous avez fait, et je ne connois point non plus ce rival qui vous a fait tant de peine. — Quoi ! Madame, voudriez-vous bien me réduire à déclarer ce que je n’ai pas encore dit à la personne que j’aime ? Du moins attendez que je lui aie fait ma déclaration, pour savoir son nom ; je promets à Votre Altesse que vous le saurez aussitôt que je lui