Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/174

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aurai parlé. — Et bien, je me contente de cela, reprit-elle ; mais je vous conseille, de quelque manière que ce soit, de l’instruire au plus tôt de vos sentimens, de peur que quelqu’autre moins respectueux que vous ne vous donne de l’esprit [1]. Jusques à cette heure vous avez aimé comme on fait dans les livres, mais il me semble que dans notre siècle on a pris de plus courts chemins, pour faire la guerre à l’amour, que l’on ne faisoit autrefois. On prétend que ceux qui ont tant de considération n’aiment que médiocrement ; quand votre passion sera aussi grande que vous le croyez, vous parlerez sans doute. Ce n’est pas qu’une discrétion comme la vôtre soit sans mérite ; mais il faut donner de certaines bornes à toutes choses. — Ha ! Madame, lui dis-je, quand vous saurez combien il y a loin de moi à ce que j’aime, vous direz bien que je suis téméraire. »

« Je voulois poursuivre, lorsque mademoiselle de Barbezière entra, qui dit à Madame que le Roi alloit repasser. Tandis que ceux qui le précédoient entrèrent, Montalais, qui n’avoit fait qu’aller et venir par la chambre durant notre conversation, me demanda si j’étois bien sorti d’affaire. Je lui dis qu’on ne pouvoit faillir avec un aussi bon conseil que le sien. Nous n’eûmes pas loisir de nous entretenir davantage, car le Roi sortit, après avoir prié Madame de se tenir prête pour aller le lendemain dîner à Versailles, et moi je me coulai dans la presse.

  1. Var. : De peur que quelque autre, moins expérimenté que vous, ne vous dame le pion. Il me semble que dans notre ville on a pris de plus courts chemins…