Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/186

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sortir des dangers de tant d’embarquements, ce n’étoit pas assez de votre amour, sans vous mêler de traverser les plaisirs d’un prince de qui vous recevez tous les jours des faveurs, et je vous conseille, comme un homme qui vous aime, de ne prendre point de part à tous les desseins que vos amis voudront faire sur ses intentions. — Si vous étiez amant, reprit le comte, vous ne seriez pas si scrupuleux ; de plus, je vous dirai que la jalousie ne sort jamais si bien d’un cœur tant que les objets sont présens. Je ne saurois aimer le Roi après ce qu’il m’a fait souffrir. Madame est de mon sentiment ; j’ai intérêt de l’entretenir dans cette pensée. D’ailleurs Vardes et la comtesse de Soissons nous ont fait comprendre que, si on peut lui donner une maîtresse qui soit de nos amies, nous disposerons par ce moyen de la plus grande partie de grâces que le Roi fera ; nous nous rendrons si nécessaires à ses affaires de plaisir, qu’il ne pourra se passer de nous, et que ce sera un moyen de nous introduire dans les plus grandes et importantes affaires. Si vous saviez comme moi la charmante diversité des pensées que l’amour et l’ambition produisent dans une âme, vous ne raisonneriez pas tant. Nous vous y verrons peut-être comme les autres ; et quand cela sera, vous ne serez plus si sévère à vos amis ; adieu. »

« À ces mots il s’en alla, et me laissa une matière de rêverie assez grande sur tout ce qu’il venoit de me dire.

« Trois mois se passèrent sans que le comte parût avoir la moindre inquiétude. Il est vrai qu’il étoit tellement occupé à son amour et à ses