Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/187

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intrigues que je ne le voyois qu’en passant. Il étoit sans cesse de parties de plaisir ; il faisoit une dépense effroyable en habits ; il se retiroit insensiblement du commerce de ses amis ordinaires, et il fit enfin tant de choses qu’il n’en fit que trop pour faire soupçonner la cause de ces changements. Quelqu’un m’ayant averti de ce que l’on disoit, je ne manquai pas de lui en donner avis, et de lui conseiller de prendre garde à lui fort exactement. Mais comme la prospérité endort la vigilance et obscurcit la raison, il m’assura qu’il alloit au devant de toutes choses, et qu’il falloit que ces gens se missent de telles visions dans la tête sur des fondements imaginaires, que jusques à l’heure qu’il me parloit il n’avoit pas fait un pas sans précaution. Il négligea si bien ce que je lui avois dit, ou bien il fut si malheureux, que Monsieur en prit de l’ombrage et mit des gens aux écoutes pour s’éclaircir. La cour est toute pleine de ces lâches flatteurs qui, pour acquérir la confiance de leur maître, lui troublent son repos par des rapports, et qui, pour lui persuader leur fidélité, lui diroient les choses les plus affligeantes. Telle fut la destinée de Monsieur, qui trouva des gens qui tournèrent ses soupçons en certitude, et qui traversèrent tellement l’esprit de ce jeune prince (encore novice en telle matière), qu’il oublia sa naissance, son courage, son pouvoir, et toutes voies bienséantes pour se venger. Dans les premières atteintes de ses douleurs, il alla, tout en larmes, se plaindre au Roi de l’insolence du comte, et, après avoir exagéré tout ce qu’il avoit pu apprendre de ses démarches, lui en demanda justice, et qu’il