Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/19

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eut-il atteint l’âge de dix-sept ans [1] qu’il s’adonna tout entier à faire la félicité de la nièce du cardinal Mazarin [2], qui, sans être belle, le sçut si bien engager, qu’à tout autre âge du roi elle l’eût gouverné, tellement son esprit

  1. Louis XIV était né le 5 septembre 1638. C’est donc à la fin de l’année 1655 que l’auteur place son récit. Mais cette date est fausse ; arrivées en France en 1653, Marie Mancini et sa sœur Hortense furent mises au couvent des filles de Sainte-Marie, à Chaillot, selon madame de Motteville, et parurent « sur le théâtre de la cour » seulement « après le mariage de madame la comtesse de Soissons », c’est-à-dire en février 1657.
  2. Marie Mancini, depuis connétable Colonna. Le portrait qu’on donne ici d’elle se rapproche assez de celui qu’on trouvera dans la pièce suivante ; mais il s’accorde mal avec celui que nous trace madame de Motteville (collect. Petitot, t. 39, p. 400-401) : « Marie, sœur cadette de la comtesse de Soissons, étoit laide. Elle pouvoit espérer d’être de belle taille, parce qu’elle étoit grande pour son âge et bien droite ; mais elle étoit si maigre, et ses bras et son col paroissoient si longs et si décharnés, qu’il étoit impossible de la pouvoir louer sur cet article. Elle étoit brune et jaune ; ses yeux, qui étoient grands et noirs, n’ayant point de feu, paroissoient rudes. Sa bouche étoit grande et plate, et, hormis les dents, qu’elle avoit très belles, on la pouvoit dire alors toute laide. » Voilà pour l’extérieur. Au moral, madame de Motteville l’apprécie ainsi : «… Malgré sa laideur, qui, dans ce temps-là, étoit excessive, le roi ne laissa pas de se plaire dans sa conversation. Cette fille étoit hardie et avoit de l’esprit, mais un esprit rude et emporté. Sa passion en corrigea la rudesse… Ses sentimens passionnés et ce qu’elle avoit d’esprit, quoique mal tourné, suppléèrent à ce qui lui manquoit du côté de la beauté. » Somaize, dans son Dict. des pretieuses (Biblioth. elzev., t. 1, p. 168), parle plus longuement de son esprit : « Je puis dire, sans estre soupçonné de flatterie, que c’est la personne du monde la plus spirituelle, qu’elle n’ignore rien,