Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/200

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aucun ombrage. Au contraire, il lui faisoit confidence de ses aventures amoureuses.

Il lui en arriva un jour une qui faillit bien à découvrir tout ce mystère. Monsieur avoit été toute l’après-midi au Louvre et avoit soupé chez la Reine-Mère. Madame feignit d’être incommodée du rhume pour ne pas sortir. Le comte de Guiche, pour qui cette maladie étoit faite exprès, ne manqua pas d’aller donner ses soins à la malade, qui ne le fut pas longtemps ; ils passèrent bien des heures sans ennui. Mais après le souper, Monsieur revint au Palais-Royal et un peu plus tôt qu’on ne l’attendoit. Mais Collogon étoit la fidèle confidente. Elle étoit toujours sur les ailes pour découvrir si quelqu’un ne pouvoit pas troubler les plaisirs de ces amants. Elle entendit Monsieur qui venoit et vint le dite à Madame, qui dit au comte : « Nous sommes perdus ! Quel moyen de vous sauver ? Passez dans cette cheminée qui ferme à deux volets, et essayez de vous empêcher de tousser et de cracher. Le pauvre amant n’eut pas le loisir de songer davantage et s’y enferma dans le moment que Monsieur entroit. Après divers entretiens, il eut envie de manger une orange de Portugal qui étoit sur le manteau de la cheminée. Il se leva, et lorsqu’il la prit, vous pouvez juger quelle devoit être l’inquiétude de ces deux amants, et lequel des deux pouvoit avoir l’esprit plus en repos. Quand Monsieur eut mangé le dedans de cette orange, il voulut jeter le reste dans la cheminée, et comme il avoit la main sur le lambris pour l’ouvrir, Collogon lui dit : Mon prince, ne jetez pas, je vous supplie, cette écorce : c’est ce que