Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/201

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j’aime de l’orange. Monsieur la lui donna, et par ce moyen le comte et Madame l’échappèrent belle. Monsieur s’en retourna peu après à son appartement. Le comte sortit et protesta bien de ne plus hasarder [1] de la sorte, et, comme il ne céloit rien à Manicamp, il ne put s’empêcher de lui dire cette aventure. Manicamp lui représenta qu’il devoit bien dorénavant se tenir sur ses gardes, et que c’étoit un avant-coureur de quelque chose bien funeste.

Mais enfin, par malheur et sans qu’on sût comment, Monsieur en apprit plus qu’il n’en vouloit savoir. Il fit venir le maréchal, qui n’eut rien à dire contre son ressentiment, sinon qu’il étoit le maître de la vie de son fils, et que, s’il vouloit sa tête, il la lui donnoit. Le lendemain, le maréchal et le comte allèrent trouver le Roi à son lever, qui maltraita fort le comte de Guiche et lui dit : « Éloignez-vous de devant moi et ne revenez en France de votre vie sans mon mandement [2]. »

  1. Hasarder pour se hasarder. Quoique ce dernier ait été employé par Maucroix, Furetière ne l’a pas admis dans la 2e édit. de son Dictionnaire. On le trouve dans Richelet.
  2. Ce fut alors que le comte de Guiche se retira en Hollande. Il y rédigea des mémoires sur les événements dont il fut témoin depuis le mois de mai 1665 jusqu’en 1667, et auxquels même il prit une part active pendant la guerre navale que soutinrent les Provinces-Unies, aidées de la France, contre l’Angleterre. En 1668, le Roi lui permit d’exercer la charge de vice-roi de Navarre que possédoit son père, et dont il avoit la survivance. Après la mort de Madame (1670), le comte de Guiche revint à la Cour. Sa fatuité, son désir de se singulariser, ont été vivement signalés par madame de Sévigné, Bussy-Rabutin et madame de Scudéry, dans leurs Lettres. — Voy., dans la collection Petitot et Montmerqué,