Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/219

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aussi c’étoit son plus grand obstacle [1]. Il poursuivit toutefois son dessein. Quelque temps s’étoit passé de cette façon, lorsqu’il lui vint dans la pensée qu’il étoit temps de commencer son jeu un peu plus hardiment. Vous allez voir une leçon bien faite à ceux qui veulent se faire souffrir auprès d’une maîtresse ; c’est qu’il faut surtout étudier à se faire à son humeur : voilà le seul et véritable chemin par où l’on peut sûrement s’insinuer.

M. le comte de Lauzun voulut, à quelque prix que ce fût, mourir ou s’insinuer dans l’esprit de Mademoiselle. Il avoit besoin de secours pour cela ; il s’étoit fait une règle de ne rien emprunter que de lui seul. Que fait-il ? Son génie s’attache à considérer attentivement cette princesse ; il s’y attache sérieusement pendant quelque temps, et enfin, ayant remarqué que cette princesse aimoit et la cour et les beaux esprits, et que naturellement (comme cela est ordinaire à son sexe) elle étoit curieuse, il se résolut de prendre cette route, comme la plus aisée pour arriver à sa fin.

Il étoit un jour chez la princesse, où, après mille beaux discours, comme à son ordinaire, qui servirent comme de prélude à ce qu’il avoit médité, il tomba merveilleusement bien à propos sur son dessein, et, parlant des affaires de la cour les moins communes : « Eh bien ! Mademoiselle, lui dit-il, Votre Altesse Royale veut-

  1. Lauzun n’étoit pas encore lieutenant général ; il avoit cédé sa charge de colonel général des dragons et n’avoit que celle de capitaine des gardes du corps. Il n’obtint que plus tard ses autres emplois et dignités.