Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/235

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manière : « Il y a déjà quelques jours, Mademoiselle, que je me suis mis en tête que Votre Altesse Royale doit être bientôt mariée [1] ; et cette pensée s’est si fort imprimée dans mon esprit, que je me la présente comme un présage assuré, ou, pour mieux m’exprimer, comme une chose faite ; et la créance que j’y donne et la joie que

  1. Deux partis se présentoient alors pour Mademoiselle, M. de Longueville et Monsieur, frère du roi. Mademoiselle avoit écarté le premier et ne vouloit pas entendre parler du second.
    Tout le passage qui suit se retrouve dans les Mémoires de Mademoiselle, mais avec une différence qu’on remarque, d’ailleurs, dans tout le cours de son récit et de celui-ci : c’est que dans les Mémoires c’est Mademoiselle qui presse, tandis que Lauzun recule ; ici c’est le contraire.
    « J’allai à Saint-Cloud chercher le corps de Madame pour le conduire à Saint-Denis… J’allai coucher ce soir-là à Paris, et m’en retournai le lendemain à Saint-Germain, où M. de Lauzun me vint dire, chez la Reine, qu’il me supplioit très humblement de ne lui plus parler. Il me dit qu’il avoit été assez malheureux pour avoir déplu à Monsieur, parcequ’il étoit serviteur de Madame ; il croiroit, dit-il, que toutes les difficultés que vous lui feriez viendroient de moi… — Je lui dis que ce qu’il vouloit que je fisse me mettoit au désespoir ; que je ne voulois pas absolument épouser Monsieur. — Il me répondit toujours que j’avois tort, que je devois obéir, qu’il me demandoit en grâce de ne lui plus parler, qu’il me fuiroit… — Je lui répondis : « Au moins, marquez-moi un temps, c’est-à-dire dites-moi : Si dans six mois votre affaire n’est pas faite avec Monsieur, je vous parlerai. Pourvu que vous disiez que votre résolution à ne pas me voir ait des bornes, je serai satisfaite… » — Il me dit ; « Je vois bien que nous ne finirons jamais, et qu’il faut nécessairement que ce soit moi qui prenne le premier congé… » — Je lui dis : « Répondez-moi sur le temps, parce que sûrement je romprai l’affaire avec Monsieur. » — Il me dit : « Ce n’est ni à vous ni à moi à fixer un temps, ni à régler d’une affaire qui est entre les mains du Roi ; je ne saurois vous faire d’autre réponse. » (Mémoires de Mademoiselle, édit. Maëstricht, 6, p. 109 et suiv.)