Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/255

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« Oui, dit-elle, je vous la tiendrai, mais surtout ne pensez pas que je vous le dise ; je vous l’écrirai sur du papier et vous le donnerai ce soir, je vous le promets. » Il fallut encore attendre ce moment, malgré l’impatience de M. de Lauzun [1]. Enfin, le soir étant arrivé, Mademoiselle s’en alla au Louvre. M. de Lauzun, qui avoit pour lors la puce à l’oreille, ne manqua pas, aussitôt qu’il vit arriver cette princesse, de se rendre auprès d’elle et de débuter par demander d’abord le billet après lequel il soupiroit. « Enfin, Mademoiselle, lui dit-il, voici le soir arrivé ; Votre Altesse Royale me remettra-t-elle encore ? — Non, dit Mademoiselle, je ne vous remettrai plus. » Et en même temps ayant tiré un billet ployé et cacheté de son cachet, elle le donna à M. de Lauzun, et lui dit en le lui donnant avec des

  1. « Il se trouva qu’il étoit minuit. Je lui dis : « Il est vendredi, je ne vous dirai plus rien. » Le lendemain j’écrivis dans une feuille de papier : «C’est vous. » Je le cachetai et le mis dans ma poche. Je le rencontrai chez la Reine. Je lui dis : « J’ai le nom dont il est question écrit dans ma poche, et je ne veux pas vous le donner un vendredi. » Il me répondit : « Donnez-moi le papier, je vous promets de le mettre sous mon lit pour ne le lire qu’après que minuit sera sonné. Je m’assure, me dit-il, que vous ne douterez pas que je ne veille jusqu’à ce que j’entende l’horloge, et que je n’attende avec impatience que l’heure soit venue…… » Je lui dis : « Vous vous tromperiez peut-être à l’heure, vous ne l’aurez que demain au soir. » Je ne le vis que le dimanche, à la messe. Il vint l’après-dîner chez la Reine ; il causa avec moi, comme avec tous ceux qui étoient au cercle…. Je sortois mon papier, je le lui montrois, et, après, je le remettois quelquefois dans ma poche et d’autres fois dans mon manchon. Il me pressa extrêmement de le lui donner ; il me disoit que le cœur lui battoit… Je lui dis : « Voilà le papier. » (Mém. de Madem., édit citée, VI, p. 130-131.)